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Avis Consultatif sur la création du Conseil de la Communauté Marocaine à l'Etranger

I- Fondements de l’avis consultatif

Le 6 novembre 2006, S.M. le Roi Mohamed VI confiait au Conseil Consultatif des Droits de l'Homme la mission «de mener de larges consultations avec toutes les parties concernées en vue d'émettre un avis consultatif concernant la création de ce nouveau Conseil [CME], qui se doit d'allier, dans sa composition, les exigences de compétence, de représentativité, d'efficacité et de crédibilité». Conformément aux directives royales, le CCDH a mené de larges consultations avec le concours de sa Commission Immigration et d’un groupe de travail composé de chercheurs Marocains, travaillant au Maroc même ou installés à l’étranger, d’acteurs associatifs et d’élus d’origine marocaine issus de l’émigration. Le CCDH a par ailleurs bénéficié du concours du Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération, des Ambassadeurs de Sa Majesté dans plusieurs pays d’émigration, du Ministère Délégué Chargé de la communauté marocaine résidant à l’étranger, de la Fondation Hassan II pour les RME et de la Fondation Mohamed V pour la solidarité.

 De larges consultations

Le programme des consultations menées a notamment inclus l’organisation de quatre séminaires au Maroc, l’organisation de près de 62 réunions de consultation dans 20 pays de résidence des émigrés marocains, un questionnaire adressé par internet aux émigrés marocains et des rencontres avec les partis politiques et la société civile marocains. Les avis des départements ministériels et des fondations impliqués dans la gestion de l’émigration ont été sollicités et toutes les associations et personnalités qui ont demandé à être reçues au CCDH l’ont été. Au total, ce sont plus de 3000 acteurs associatifs et politiques, élus, créateurs, entrepreneurs, responsables religieux, responsables publics et chercheurs qui auront été associés à ces activités et dont l’avis aura été recueilli. Leurs appréciations et suggestions sont consignées dans le rapport du CCDH qui accompagne cet Avis.

De même, les actes des séminaires et les contributions individuelles reçues sont publiés sur le site du CCDH et seront prochainement édités. C’est à la lumière des matériaux rassemblés durant l’ensemble de ces activités; au vu des travaux scientifiques disponibles; après étude des expériences internationales en matière de représentation des citoyens émigrés; après analyse de l’abondant courrier adressé durant cette période au CCDH et suite à ses délibérations que le CCDH a élaboré le présent avis qu’il soumet à la Haute appréciation royale.

La formule du CME proposée est apparue comme la plus appropriée à la situation actuelle et à la dynamique enclenchée depuis les discours royaux de novembre 2005 et novembre 2006. Cette formule part d’un triple constat : La nécessité d’insérer la création du Conseil dans le cadre d’une politique publique rénovée et ambitieuse à même d’accompagner les mutations radicales de l’émigration; La quasi-unanimité de tous les interlocuteurs, publics et privés, à l’extérieur comme au Maroc, sur la nécessité de créer le Conseil et sur la nature de ses principales missions; L’existence d’appréciations différentes lorsqu’il s’agit des modalités de son établissement : les opinions varient du suffrage direct à la désignation, en passant par des formules intermédiaires, telles que la combinaison du suffrage direct et la désignation, ou la composition majoritaire du Conseil à partir d’organisations d’émigrés existantes. L’expérience internationale montre par ailleurs la diversité des formules retenues et leur caractère en général évolutif.

Tenant compte de tous ces paramètres, le CCDH suggère justement une formule évolutive qui permettrait aux membres du Conseil dans sa première composition d’approfondir la réflexion sur cette question et de proposer, au terme du premier mandat du Conseil, l’inflexion, dans un sens ou dans l’autre, des modalités de sa composition. Il reviendra aussi au Conseil de réfléchir aux modalités permettant une meilleure implication de l’émigration dans le développement humain du Maroc et dans la vie démocratique du pays. Cette implication impose cependant que le Conseil pérennise l’approche participative qui a présidé aux consultations du CCDH, voire l’élargisse, de manière à toucher tous les acteurs des communautés marocaines établies à l’étranger, et ce à travers, notamment, l’établissement, chaque fois que de besoin, de commissions de travail ad hoc, rassemblant aux côtés de membres du futur Conseil des compétences marocaines de l’extérieur, et l’organisation de séminaires thématiques rassemblant les Marocains émigrés par champ de compétence ou d’intérêt ou par pays, voire par continent.

Une émigration en pleine mutation

En moins de quatre décennies, l’émigration marocaine s’est profondément transformée à cause notamment : D’une mondialisation de plus en plus affirmée (les émigrés Marocains sont aujourd’hui implantés sur tous les continents, même si le poids de l’Europe reste de loin prédominant); D’une féminisation croissante (près d’un émigré marocain sur deux est une femme); De la sédentarisation définitive dans les pays de résidence (avec l’émergence des deuxième et troisième générations, nées et socialisées ailleurs qu’au Maroc); . De l’extension des aires de recrutement à l’ensemble des régions du Maroc et, enfin; De la diversification des profils socioprofessionnels des émigrés marocains.

La mobilité croissante des personnes, induite par la mondialisation et par son corollaire que sont les déplacements des personnes hautement qualifiées, est un phénomène qui touche et touchera de plus en plus le Maroc. De manière générale, le niveau scolaire des émigrants Marocains s’est élevé et l’émigration illégale, encouragée par le développement des réseaux de trafic des êtres humains, reste un trait majeur et le restera probablement, malgré les efforts publics de ces dernières années en matière de contrôle des frontières. L’enracinement dans les pays de résidence, que révèle notamment le fort mouvement de naturalisation des Marocain(e)s, reste néanmoins un processus complexe et contrarié par la xénophobie et les manifestations diverses de discrimination.

Ce processus va aussi de pair avec le maintien de rapports affectifs très forts au Maroc, rapports qui se manifestent de diverses manières : retours massifs lors des périodes estivales, hausse du montant global des transferts de revenus, implication de centaines d’associations d’émigrés dans des projets de coopération avec le Maroc. Une donnée importante s’impose désormais parce qu’inscrite dans le Droit : celle de la double appartenance des Marocain(e)s, et tout porte à croire qu’elle ne peut que s’amplifier.

Relevant de, mais aussi appartenant désormais à deux ordres juridiques et nationaux, avec ce qu’ils impliquent en droits et en devoirs, les Marocain(e)s sont de moins en moins des résidents à l’étranger et de plus en plus des citoyens à part entière -au moins en droit- au sein des pays où ils vivent. Et même lorsqu’ils n’ont pas opté pour la nationalité des pays de résidence, des avancées démocratiques permettent aux Marocains(e) émigré(e)s des formes multiples de participation à la vie de la Cité (droit de vote et d’éligibilité aux élections locales, élection de délégués syndicaux, de prud’hommes, droit d’association, etc.), amplifiant et rendant plus concret l’exercice d’une citoyenneté de résidence.

Le CCDH estime à cet égard que toute politique publique marocaine, y compris la création du Conseil, doit prendre en compte la diversité des situations qui se font jour au sein de l’émigration marocaine et veiller à accompagner l’enracinement à l’œuvre dans la quasi-totalité des pays de résidence. L’intégration de la majorité des émigrés marocains dans les pays de résidence semble, en effet, un processus irréversible. Les problématiques de cet enracinement (problèmes scolaires, de logement, de formation et d’emploi, etc.) relèvent des autorités publiques de ces pays. Il n’en demeure pas moins que certaines catégories de l’émigration (migrants illégaux, femmes potentiellement ou effectivement victimes des réseaux de trafic des êtres humains, migrants dans les pays arabes, détenus) demandent des efforts supplémentaires de protection de la part des autorités consulaires marocaines.

Hormis ces publics fragiles, d’autres catégories ont réussi leur intégration dans les pays de résidence : tout doit être fait pour accompagner leur réussite. Accompagner cet enracinement est probablement une des conditions pour maintenir et amplifier l’attachement au Maroc. Engagés à des niveaux divers dans ces processus d’intégration, les émigrés marocains, toutes générations et statuts sociaux confondus, manifestent en revanche de fortes exigences à l’égard des autorités marocaines dans le domaine cultuel et culturel. Pour les premières générations, comme pour une partie des nouvelles générations, la question religieuse reste une préoccupation très forte : besoins de lieux de culte, d’encadrement religieux, de formation,… Dans de nombreux pays, bien avant les événements du 11 septembre 2001, mais de manière amplifiée depuis, l’islam suscite méfiance et polémiques publiques et les gouvernements des pays de résidence prennent l’initiative d’organiser le culte musulman en déclarant vouloir limiter «l’ingérence extérieure».

Mais au-delà de ces phénomènes, les communautés marocaines expriment de nombreuses revendications en rapport avec la problématique culturelle, incluant, bien entendu, la question de l’enseignement de la langue arabe, mais aussi la demande d’émissions radiodiffusées et télévisées, d’expositions, de festivals culturels. De manière récurrente, la demande de création de centres culturels marocains a été soulignée lors des rencontres de consultation. Ces demandes sont, en définitive, la conséquence des processus d’intégration à l’œuvre. Pour les premières générations, qui découvrent que la perspective du retour définitif s’éloigne, il s’agit d’assurer la transmission aux nouvelles générations de ce qu’elles considèrent comme les éléments distinctifs de l’identité marocaine. Pour les jeunes, nationaux des pays d’immigration, l’accès à la culture marocaine est une manifestation de l’aspiration à une existence harmonieuse et équilibrée.

II. La création du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger

1- Missions

Le Conseil, qui sera dénommé Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (par abréviation CCME), sera un organe consultatif placé auprès de Sa Majesté Le Roi. A ce titre, il agira en tant qu’institution de proposition, de suivi et d’évaluation de tout ce qui a trait aux politiques publiques du Royaume envers ses ressortissants émigrés. Il œuvrera tant à la défense des intérêts légitimes de ces derniers, à l’extérieur et à l’intérieur du royaume, qu’au renforcement de leur contribution au développement social, humain et démocratique de notre pays et à la consolidation des rapports d’amitié et de coopération entre le Maroc et les pays de résidence. Ainsi le Conseil est-il appelé, à travers son organisation, son mode de travail et son activité de proposition à :

a. Servir de carrefour d’échange et de capitalisation des expériences en matière d’insertion et de promotion des Marocain(e)s dans les pays de résidence.

b. Servir d’observatoire anticipateur des créneaux porteurs de migration légale, compte tenu des évolutions prévisibles sur les plans technologique, économique, financier et politique.

c. Servir de centre de ressources d’information, de conseil, de mise en relation ou en réseaux des individus et des groupes de Marocain(e)s de l’extérieur, de manière à favoriser entre eux des regroupements largement représentatifs et crédibles, des synergies fructueuses et des solidarités actives.

d. Contribuer, à titre consultatif, à l’élaboration, au suivi et à l’évaluation de politiques publiques à même de : Faciliter le développement et l’harmonisation progressifs du Droit conventionnel liant le Maroc aux pays d’accueil en matière de migration.  Mieux répondre aux besoins exprimés par les Marocain(e)s de l’extérieur, notamment en matière d’enseignement des langues, de formation, de pratique des cultes, d’animation culturelle et artistique et de communication, dans le respect des valeurs universelles des droits de l’Homme, des valeurs d’ouverture, de modération et de tolérance prônées par le Maroc et des lois et normes de vie publique en vigueur dans les pays d’accueil. Apporter des appuis spécifiques aux catégories de populations marocaines émigrées qui se trouvent en situation marginale ou précaire. Améliorer les conditions de transit, de séjour en vacances ou de retour définitif des Marocain(e)s de l’extérieur dans leur pays d’origine.  Diversifier et accélérer les transferts scientifiques, technologiques, financiers, de compétences et d’investissements extérieurs dans le pays.

e. Contribuer à une réflexion approfondie sur les conditions et les modalités d’une participation élargie, bien organisée et plus effective des Marocain(e)s de l’extérieur à la vie démocratique du Royaume, au regard des expériences comparées des quelques pays de par le monde qui favorisent une telle participation: nature et taille de la représentation politique spécifique des Marocain(e)s de l’extérieur; conditions d’exercice ou de perte du droit de vote et d’éligibilité; prévention des conflits de nationalités; incompatibilités spécifiques; modes de scrutin adaptés et modalités d’expression des suffrages à distance.

f. Renforcer la contribution directe et indirecte des Marocain(e)s de l’extérieur au renforcement des capacités de leur pays d’origine, aux niveaux national, régional et local, en matière de développement humain durable, d’expansion de la société du savoir et de promotion des ressources humaines.

g. Développer des stratégies de communication, de plaidoyer et de mise en réseau adaptées aux différents contextes, pour contribuer au rapprochement des sociétés et des gouvernements du Maroc et des pays de résidence sur les plans culturel, humain et économique.

h. Encourager les Marocain(e)s de l’extérieur à jouer un rôle actif dans la promotion des valeurs d’égalité, de justice sociale et de compréhension mutuelle entre les divers groupes sociaux dans leurs sociétés de résidence.

2. Composition

a. Le CCME est placé auprès de Sa Majesté Le Roi qui nommera un Président et un Secrétaire Général du Conseil.

b. Le Conseil sera composé de cinquante (50) membres auxquels s’adjoindront, à titre de membres observateurs, les responsables au plus haut niveau des instances gouvernementales et des organismes publics en charge des affaires des Marocain(e)s de l’extérieur.

c. Les cinquante membres du CCME seront désignés sur la base des critères et suivant la procédure décrits ci-dessous.

d. Dans une phase ultérieure, le CCME, dans sa première composition, proposera à Sa Majesté, au vu de sa propre expérience et après avoir procédé aux études et concertations nécessaires, la formule la plus pertinente pour la composition future du Conseil.

e. Au stade actuel, les cinquante membres du CCME seront désignés, pour une période de quatre ans, parmi les personnalités Marocaines de l’extérieur les plus aptes à contribuer au bon accomplissement des missions du Conseil, de manière hautement compétente, crédible et impartiale: leaders associatifs ou communautaires, chercheurs scientifiques, entrepreneurs, artistes, sportifs, journalistes, cadres et travailleurs de secteurs variés.

f. En outre, la composition du CCME sera pondérée en veillant à y assurer une représentation raisonnablement soucieuse d’équité générationnelle (en faveur des jeunes), de genre (en faveur des femmes) et de géographie politique (en faveur des zones d’accueil émergentes et influentes sur la scène internationale).

g. Ayant à l’esprit ces critères ainsi que l’ensemble des conclusions tirées des activités menées, le CCDH propose à Sa Majesté de désigner un comité de pré-sélection qui établira une liste de 100 personnes susceptibles de faire partie du CCME et qu’il soumettra à la Haute appréciation de Sa Majesté.

3. Organisation et fonctionnement

a. Le CCME tiendra une session plénière ordinaire par an et, en cas d’urgence, des sessions extraordinaires. Ces sessions se tiendront sur ordre du jour proposé par le Président, à son initiative ou à la demande de la majorité absolue des membres du conseil, et soumis à l’approbation de Sa Majesté Le Roi.

b. Le CCME aura la latitude la plus large pour adopter et réviser son Règlement Intérieur, élire en son sein un bureau permanent de cinq à sept membres, constituer des groupes de travail et des commissions internes ou désigner des rapporteurs pour des missions précises, élaborer et adopter ses plans d’action et ses budgets annuels et pluriannuels, le tout devant être soumis à l’approbation de Sa Majesté Le Roi.

c. Afin d’assurer la bonne préparation et le succès de ses sessions plénières, le CME recourra à tous les moyens de communication modernes pour entretenir la concertation permanente entre ses membres.

d. Le Président du CCME veillera au suivi de la mise en œuvre des recommandations adoptées par le conseil et approuvées par Sa Majesté Le Roi. A cet effet, il agira sur une base régulière et diligente, en concertation et en partenariat avec les autorités législatives, gouvernementales et administratives compétentes, lesquelles autorités seront tenues d’apporter le concours le plus efficient aux travaux du Conseil et à l’application de ses recommandations conformément à la loi et aux règlements en vigueur.

e. De même, le CCME devra demeurer à l’écoute du plus grand nombre de Marocain(e)s de l’extérieur et s’outiller pour assurer la communication et les consultations régulières, les plus démocratiques possibles, avec eux: enquêtes et sondages périodiques en ligne ou par courrier, auditions publiques sur des questions spécifiques.

f. En outre, le CCME devra s’entourer, autant que de besoin, d’experts fiables en toutes les matières touchant à l’émigration et relevant de ses missions.

g. Outre les rapports spécifiques sur les questions traitées lors de chacune de ses sessions plénières, le CCME produira, tous les ans, un rapport d’activité et, tous les deux ans, un rapport analysant les tendances et les problématiques de l’émigration marocaine, évaluant à l’interne et à l’externe son propre bilan d’activité, son organisation et son fonctionnement et décrivant les perceptions que s’en font les Marocain(e)s de l’extérieur.

h. Dès l’installation des membres du Conseil, le Président et le Secrétaire Général procèderont, dans un délai maximum de trois mois, à l’élaboration du projet de Règlement Intérieur et du plan d’actions prioritaires à soumettre à la première session plénière. Ils pourront se faire aider, dans cette tâche, par des membres du Conseil de leur choix.

III. Pour des politiques publiques et des organismes publics rénovés

Le CCDH estime que la mise en place du futur Conseil des Marocains de l’Extérieur devrait

: -S’insérer dans une configuration institutionnelle repensée.

-S’inscrire en adéquation avec les évolutions marquantes de l’émigration pour prendre en compte les fortes attentes exprimées, notamment sur le plan culturel.

1. Repenser le cadre institutionnel

L’expansion démographique, la dispersion géographique et les mutations que l’émigration marocaine a connues en peu de décennies ont posé et posent toujours aux autorités gouvernementales marocaines le défi d’apporter des réponses institutionnelles pertinentes et à la hauteur d’enjeux multiples et en renouvellement. Ces politiques publiques exigent, en outre, des ressources humaines mieux formées et adaptées aux réalités mouvantes et diversifiées de cette émigration et des ressources financières conséquentes. Phénomène global, la question de l’émigration, par sa nature horizontale même, implique l’intervention de nombreux acteurs publics (départements ministériels, et notamment les Affaires Etrangères, les Finances, la Justice, les Affaires islamiques, l’Education nationale, le Ministère Délégué, la Fondation Hassan II pour les RME et la Fondation Mohamed V pour la Solidarité) et privés (les banques notamment, mais aussi les transporteurs, les agences de transfert des remises, etc.).

C’est donc dans ce paysage institutionnel qu’interviendra la création du Conseil, qui aura nécessairement à travailler avec l’ensemble de ces intervenants. La réussite du Conseil, autant que l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation de réponses publiques pertinentes aux attentes de l’émigration, notamment sur le plan culturel, supposent une coordination permanente des différents acteurs publics et privés, ainsi que l’engagement d’une réflexion impérieuse avec les banques sur la gestion des dépôts et des transferts des migrants, notamment en vue d’optimiser leurs effets, au bénéfice des titulaires et de l’économie nationale.

Les interlocuteurs publics et privés consultés par le CCDH font le constat unanime de la multiplicité exagérée des intervenants, des conséquences négatives qui en découlent et de la nécessaire mise à niveau et/ou révision des statuts de certaines institutions. A cet égard, trois axes paraissent comme essentiels.

a. Veiller à ce que le CCME ait un interlocuteur unique au niveau du gouvernement;

b. Procéder à une nécessaire restructuration des outils financiers publics dédiés aux projets d’investissement des émigrés marocains et dont les bilans et la gouvernance (la composition des conseils d’administration notamment) apparaissent comme insuffisants et inadaptés aux mutations de l’émigration. Cette restructuration doit aller de pair avec une implication plus forte et plus efficiente de l’ensemble des institutions financières intervenant dans les transferts et la fructification de l’épargne des émigrés marocains, au bénéfice de ces derniers d’abord et au mieux des intérêts de l’économie nationale;

c. Actualiser et mettre en cohérence les statuts, les missions, les financements et les modes d’opération des organismes publics intervenant en matière d’émigration, à la lumière de la création du CCME, des mutations du champ associatif marocain à l’étranger et des besoins de modernisation de ces instruments.

2. Répondre aux attentes essentielles de l’émigration, notamment dans le domaine culturel Les rencontres organisées dans les pays de résidence ont permis de constater -encore une fois- les fortes attentes qui se font jour au sein des communautés marocaines autour de la question religieuse d’une part et, d’autre part sur le plan culturel, revendication qui s’exprime généralement par l’exigence d’ouvrir des «centres culturels marocains». Cette dernière demande est revenue de manière récurrente lors de toutes les discussions. La problématique religieuse apparaît ainsi comme centrale à plusieurs égards.

En effet et bien que l’expression religieuse de l’immigration marocaine soit multiple et que l’attachement religieux se manifeste à des degrés variables en fonction des individus et des groupes, l’Islam apparaît de plus en plus dans les pays de résidence comme un élément constitutif de l’identité marocaine et une préoccupation des communautés, des acteurs publics de ces pays, mais aussi de leurs opinions.

La réticence, voire l’hostilité des populations autochtones à la visibilité croissante de l’Islam dans l’espace public (édification de lieux de culte, comportement vestimentaire, revendications sur le plan de l’alimentation, etc.) est ainsi devenue un fait majeur et pèse de tout son poids sur les gouvernements et l’ensemble des acteurs sociaux des pays de résidence. Si l’égalité de traitement est donc assurée au culte musulman sur le plan juridique, il en va autrement dans la pratique : nouveau venu dans un paysage religieux européen de plus en plus diversifié, le culte musulman doit rattraper son retard historique par rapport aux confessions établies, notamment en matière d’édification de lieux de culte et d’encadrement. Or cet objectif se heurte à de nombreux obstacles: faiblesse des capacités endogènes de financement, dispersion des acteurs associatifs, recours juridiques hostiles à la construction de mosquées sous divers prétextes.

Ainsi, les préoccupations identitaires -religieuse, mais aussi ethnoculturelles et linguistiques- ne trouvent en effet pas toujours un espace d’expression et de reconnaissance suffisant dans les sociétés de résidence. Bien au contraire. Les crispations constatées dans les sociétés de résidence autour de la religion concernent de plus en plus l’ensemble des attributs de «la culture d’origine», ressentis comme contraires aux valeurs de ces pays et supposés contrarier un processus harmonieux d’intégration.

Dévalorisée dans ces sociétés, «la culture d’origine» est en même temps interprétée et réinventée par les migrants et leurs descendants en fonction de leurs conditions d’existence et des contextes spécifiques dans lesquels ils vivent, donnant lieu à l’émergence au sein de ces populations de formes inédites d’expression culturelle qui concernent autant le domaine des productions littéraires ou artistiques que celui des pratiques culturelles (représentations, croyances, pratiques religieuses, etc.).

La question de l’élaboration d’une offre culturelle diversifiée et de qualité, de la part du gouvernement marocain, devrait être parmi les préoccupations premières du CCME. Cette nouvelle politique devrait notamment prendre en compte les spécificités historiques et culturelles de chaque pays de résidence et, en premier lieu, le cadre juridique et institutionnel concernant les cultes. S’appuyant sur les nouvelles technologies de l’information et des ressources multiples qui existent au sein des communautés, cette offre doit d’une part permettre la diffusion des arts et cultures populaires, mais aussi de la création contemporaine plurielle. Elle doit enfin témoigner au Maroc même du dynamisme culturel des populations et des créateurs de l’émigration.

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